Voix d’anciens boursiers : M. Zoundi Zakaria

2019/4/26

 
                    En dehors des robots et des arts martiaux, je connaissais peu de choses intéressantes sur le Japon. Après six années passées dans ce merveilleux pays, je ne fais que rire en me souvenant de cette aliénation. La Bourse MEXT n’a pas seulement ouvert que mon esprit. Elle a considérablement contribué à bâtir mon capital intellectuel ainsi que ma personnalité.
 
                    Comme beaucoup d’étudiants qui complètent leur diplôme de maitrise, j’étais animé par ce désir ardent d’explorer d’autres horizons, d’accroitre mes potentiels académiques, afin de contribuer au développement de l’Afrique et du Burkina Faso en particulier. C’est ainsi que, par un hasard, j’ai eu échos depuis l’Université de Ouagadougou (maintenant Joseph Ki Zerbo) de la Bourse du Gouvernement Japonais lancée par le MEXT. Il s’agissait de bourses pour les bacheliers et les titulaires d’une licence ou maitrise. J’ai passé des moments de réflexion et d’hésitation car la bourse japonaise était peu connue. De plus, je me posais beaucoup de questions sur la vie et l’intégration dans ce pays. Je me suis finalement décidé après avoir parcouru le contenu des programmes des universités japonaises, leur système académique ainsi que leur classement à l’échelle mondiale. La persévérance et la préparation sont très importantes pour obtenir la bourse. Puisque je visais la bourse de master, j’ai préparé mon projet de recherche et me suis attelé à étudier davantage la langue anglaise pour l’examen écrit au cas où je passerais la phase de sélection sur dossier. L’examen écrit comporte également la langue japonaise, mais j’étais zéro à ce niveau. Après une année entière composée d’un examen écrit, d’un entretien, de contacts avec les universités, de superviseurs potentiels au Japon et surtout d’attente, ma bourse a finalement été confirmée en mars 2013, pour un programme de 6 mois de recherche suivie d’un master en Économie, à l’Université de Kobé. Selon le programme de la bourse, je devais passer 6 mois de recherche, d’adaptation à la vie au Japon, ainsi que d’apprentissage de la langue japonaise. Chose très cool, car cela m’a permis de m’accoutumer rapidement à la vie avant le début de mon master.
 
                    Mon aventure au centre de langue était très intéressante. Des professeurs super expérimentés et drôles, qui donnent l’envie non seulement d’apprendre la langue avec passion, mais aussi de ne manquer aucun cours. Il m’a fallu 3 mois pour avoir les bases, et le reste s’en est suivi. Animé par l’amour pour cette langue, je me suis inscrit à des programmes de cours gratuits offerts par des volontaires japonais en dehors du campus, pendant quelques mois. La vie au campus, et le centre de langue m’ont permis de me faire énormément d’amis, aussi bien japonais qu’étrangers. L’association de nouveaux étudiants de Kobé, dirigée par des étudiants japonais et étrangers organise fréquemment des rencontres, sorties et activités entre étudiants. Tout le monde en profite. Les étudiants japonais veulent découvrir d’autres cultures, se faire des amis étrangers et améliorer leur conversation en anglais, français, allemand etc. Les étrangers également cherchent à se faire beaucoup d’amis japonais et à se perfectionner en langue japonaise. Tous ces intérêts mutuels rendent les weekends, congés et journées libres très passionnants. Pareil à la cité estudiantine communément appelée dormitory. Les assistants des résidents (généralement des japonais) occupent leurs soirées et weekends à se mettre au service de tous ceux et celles qui ont des questions, des soucis sur la vie au Japon, qui veulent pratiquer le japonais, jouer ou faire tout ce qui leur plait. Bref, il n’y a pas de place pour l’ennui, sauf pour qui le souhaite.
 
                    Le travail à temps partiel ou baito. Voilà une autre initiative qui permet d’arrondir ses fins de mois, bien que la bourse MEXT couvre largement tous les besoins des étudiants étrangers. Pour ce qui concerne la ville de Kobé et les grandes villes, bien que de plus en plus d’industries, boutiques, fast-food et autres acceptent des étudiants ayant un niveau très basique en japonais, atteindre au moins le niveau intermédiaire aide énormément à trouver le travail que l’on désire, au moment où on le souhaite et le plus proche de son lieu de résidence. Je travaillais dans une industrie d’exportation de données de iPhone. Ce travail m’a permis de me faire encore plus d’amis, de comprendre le système de travail des japonais, et d’adhérer pleinement à leur culture de travail. L’assiduité, la ponctualité, le respect de la hiérarchie, l’attention pour le détail, l’honnêteté, l’esprit d’équipe etc. sont autant de valeurs que j’ai apprises et développées et qui me suivent jusqu'à ce jour. Merci ! Merci Nippon ! Au-delà de ce travail, j’enseigne l’anglais et le français dans un centre de langue dans ma ville. Plus intéressant, les écoles primaires et lycées me font appel par moment pour présenter mon pays et sa culture, et aussi participer à des campings en compagnie des élèves. Cela a davantage renfoncé mon attachement aux valeurs de ce beau peuple et a agrandi mon cercle d’amis.
 
                    La vie au Japon de façon générale et brève. De tous les pays que j’ai visités, le Japon est pour moi le plus calme et le moins violent. Pour preuve, les policiers japonais ne sont pas munis d’armes. Les protestations, beaucoup rares sont assimilées à des réunions. Certaines boutiques de consommation communément appelées convenience store sont ouvertes 24h/24 et 7j/7. Marcher à 2 heures ou 3 heures du matin sans crainte n’est pas surprenant. Le Japon est également un pays assez propre et rempli de technologies. La plupart des rues sont propres et bien entretenues. Les toilettes ne sont jamais payantes, bien qu’elles entretenues. La très grande majorité de celles-ci est équipée de système de nettoyage automatique. Excepté dans certains cas, les trains, bus et métros sont toujours à l’heure. Tout ceci est du fait d’un peuple bien organisé et respectueux. J’ai été une fois surpris de constater que vers 2h du matin, pendant que je rentrais d’une visite amicale, un jeune homme s’arrêta au feu de circulation. Le feu était au rouge, mais la voie totalement déserte. Pourtant, ce jeune a attendu que le feu passe au vert avant de traverser. Je ne dis pas que 100% des japonais sont forcément ainsi, mais de par mon observation, la très grande majorité suit strictement les règles et est honnête. Du divertissement, il y en a Universal Studio Japan, Disney Land, Disney Sea, restaurants zombies, maisons hantées, parcs, karaoké, etc. Il y a tout pour occuper ses journées libres. La culture est répandue à travers le pays, avec pour épicentre la ville de Kyoto. Chaque région laisse découvrir quelque chose d’exceptionnelle sur le Japon, aussi bien sur l’histoire, le paysage, les plages, la nourriture, les monuments, etc. du pays. Mes vacances sont pleines de visites à travers le pays. Quand je perds mon chemin, il y a généralement un inconnu qui vendra m’assister, que ce soit en anglais, en japonais, avec de simples gestes ou bien Google translate. Je m’arrête ici car il y assez à dire sur la vie au Japon. Pour ce qui est des risques de tremblement de terre et de typhons, contrairement à ce que tout le monde pourrait croire, ces évènements ne se produisent pas dans tout le pays et à chaque fois. De plus, les Japonais ont des bâtiments résistants ainsi que des systèmes d’alerte bien développés.
 
                    J’ai placé la vie estudiantine à la fin de ce blog, car c’est le top de mes gains en tant qu’étudiant ; et je veux que tout étudiant qui me lira retienne mon expérience. Elle peut être différente de la vôtre mais avoir une idée sur la mienne peut constituer un point de réflexion. Étudier au Japon est l’un des projets que tout étudiant devrait souhaiter avec une envie pressante, et ce à cause du système particulier et de la qualité de l’éducation. A mon arrivée à Kobé, un étudiant du même laboratoire que moi (appelé tutor) a été mis à ma disposition pour me guider et m’assister. Cela m’a permis de comprendre très rapidement le système et de m’y adapter. Une fois par semaine, nous avons un séminaire avec le superviseur qui suit méticuleusement le progrès de chaque étudiant. J’ai droit à 3000 photocopies/impressions gratuites chaque année, et j’ai la possibilité d’emprunter jusqu’à 20 livres à la bibliothèque, dans tout domaine que je souhaite. Les anti-virus, systèmes d’exploitation, et beaucoup de logiciels sont soit gratuits, soit subventionnés. Je suis au département Coopération Internationale et nos cours sont en général accompagnés de présentations orales, pour nous aider à exceller à l’oral. Mon programme est en anglais, comme le sont les programmes de nombreuses universités. Mais il existe aussi des options en langue japonaise. Pour les moins compétents en anglais, un professeur généralement britannique ou américain, se charge de les assister individuellement jusqu’à ce qu’ils s’améliorent à l’écrit. J’ai trouvé cela très impressionnant surtout pour des pays francophones comme le Burkina Faso.
 
                    J’ai complété mon master avec succès et presque terminé ma thèse. Ces six années ont énormément contribué à mon bagage : enseignant-assistant dans 4 matières, interprète à temps partielle en français et en anglais pour la coopération japonaise (JICA), 4 publications internationales, des voyages dans près de 30 pays dans le monde, des conférences internationales, la participation au programme mondiale One Young World (Canada), à l’Alliance Summer School (Paris), un projet de l’Université de Harvard à Hong Kong, le Symposium Yenching à l’Université de Pékin (Chine), La Conférence des Jeunes des Nations Unies (Kenya), un stage à l’ONU (Thaïlande) et à l’OCDE (Paris), et encore bien d’autres choses. Tout ceci a été possible grâce à l’opportunité que MEXT m’a offert d’étudier dans un pays où tout le monde peut exceller si l’on s’y met. J’insiste sur ce dernier point car le Japon établit les champs, mais il revient à chacun de s’y mettre et d’avancer. La quantité d’efforts qu’on fournira déterminera jusqu’où on ira. Pour conclure, je remercie MEXT pour ce grand cadeau et j’invite tous les camarades à s’y lancer sans double réflexion et hésitation! Le Japon te changera certainement sur tous les plans.